DSA / DMA, un vent de changement pour les géants du Web !

DSA / DMA, un vent de changement pour les géants du Web !

Publié le : 23/05/2022 23 mai mai 05 2022

Le 15 décembre 2020, la Commission Européenne a dévoilé, dans le cadre de sa mission « Façonner l’avenir numérique de l’Europe », deux projets de règlement : le Digital Market Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA) visant à rebattre les cartes pour les plus grandes plateformes en ligne. 

Le 24 mars 2022, les négociations sur le DMA ont abouti entre la Commission Européenne, les Etats membres et le Parlement Européen. L’accord vise une mise en application au printemps 2023. 

Le 23 avril 2022, c’était au tour du DSA d’obtenir un accord menant à une mise en application courant 2024. 

I  Le DMA et le DSA, la fin du « far-west » pour les grands groupes du numérique

A ) Le DMA : l’ouverture à la concurrence du marché numérique 

Le DMA définit un nouveau statut : le contrôleur d’accès. L’Union Européenne considère que certains acteurs ont une telle ampleur que leur seule présence sur le marché empêche la concurrence. Ce statut s’appliquera aux plateformes atteignant les seuils suivants au cours des trois dernières années :
  •  Réaliser un chiffre d’affaires annuel dans l’Union Européenne supérieur à 7.5 milliards d’euros ou une capitalisation boursière d’au moins 75 milliards d’euros ;
  • Fournir un service à plus de 45 millions d’utilisateurs finaux par mois dans l’Union Européenne et 10.000 entreprises utilisatrices par an. 
Le DMA pose une série d’obligations touchant ces contrôleurs d’accès, comme par exemple : 
  • La liberté d’installation et de désinstallation de logiciels tiers. Plus concrètement, Apple ne pourra plus empêcher l’installation du Google Store, les utilisateurs d’appareils Samsung pourront enfin désinstaller Facebook etc… ;
  • L’interopérabilité devient également une obligation entre les services de communication en ligne. Il sera donc possible d’envoyer un message vers Messenger depuis WhatsApp.  
Les plateformes devront ouvrir leurs portes aux concurrents, quels qu’ils soient.  

Les sanctions sont les plus fortes jamais vues dans le monde du numérique, puisqu’une première condamnation peut atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial et jusqu’à 20% en cas de récidive, ainsi que des interdictions temporaires d’achat d’entreprises européennes.  


B ) Le DSA : tout ce qui est illégal dans le monde réel doit devenir illégal sur internet 

Le DSA définit lui aussi un nouveau statut : les Très Grandes Plateformes en Ligne (ou TGPL), désignant les plateformes ayant plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels. Le DSA est le successeur de la directive e-commerce de 2000. Il reprend ses mécanismes d’irresponsabilités pour les plateformes mais outre ce point, il s’applique à rendre plus efficace les signalements de contenus illicites.  

Plus concrètement, il met en place une véritable procédure pour ces signalements, permet la certification d’organismes tiers pour le traitement des décisions de modération, met en place un statut de signaleur de confiance, permet de suspendre certains utilisateurs abusant des signalements etc… 

Pour les TGPL, il met en place des obligations supplémentaires de transparence et d’audit et des limitations quant aux publicités en ligne. Leurs systèmes de recommandations devront clarifier les critères de recommandation et proposer une méthode hors-profilage. Les algorithmes des TGPL pourront être ouverts à des chercheurs agrées afin d’étudier leur fonctionnement et le respect des normes européennes.

Le DSA s’attaque donc aux pratiques trompeuses et met en place un véritable système de signalement tout en augmentant les obligations déjà présentes pour les TGPL. 

Les sanctions sont ici aussi extrêmement fortes, les amendes peuvent atteindre 6% du chiffre d’affaires mondial et, en cas d’urgence, l’interdiction pour un TGPL d’exercer ses activités sur le territoire de l’Union Européenne. 

II - Une législation qui évolue et apprend des réussites passées

A - Une règlementation adaptable et adaptée pour un monde numérique en constante évolution

Les deux règlements ont pour objectif d’être prêts pour l’avenir. Le seul moyen d’atteindre cet objectif dans le monde numérique, c’est d’être flexible. Ainsi, les deux règlements prévoient des procédures de mise à jour. La Commission Européenne prendra des actes délégués afin de réviser les modalités de désignation des contrôleurs d’accès, et elle peut également en désigner même hors des critères chiffrés. Le DMA sera réévalué tous les trois ans. Il en va de même pour le DSA qui modulera les critères de désignation des TGPL dès que la population européenne évolue de plus de 5%.   
Cette mise à jour fréquente et modulable va de pair avec un nouvel outil qu’assume finalement l’Union Européenne : l’asymétrie. Ces règlements cherchent à ouvrir le marché et rendre plus transparent et respectueux des lois le contenu en ligne. Pour atteindre ces objectifs, il faut frapper plus fort sur les très grands, tout en épargnant les plus petits. D’où les définitions chiffrées en nombre d’utilisateurs et en chiffre d’affaires. Seul le temps nous dira si ce pari est payant. 

B – Les leçons apprises du RGPD

Ces deux règlements ne seront pas sans rappeler le RGPD et ce n’est pas un hasard. L’Union Européenne semble satisfaite du résultat du RGPD après plus de 4 ans d’application. 

Le choix du règlement tout d’abord, à l’instar du RGPD et à rebours de la directive e-commerce de l’an 2000, permet une application universelle sur le territoire de l’Union Européenne sans le passage obligé et hasardeux des lois de transposition des Etats membres. Ces règlements ont une vocation d’application directe pour chaque internaute européen. 

Autre inspiration du RGPD, un règlement n’est respecté que s’il dispose de sanctions fortes. Les amendes atteignent 20% du chiffre d’affaires global dans le DMA, bien loin des 4% du RGPD. A titre d’exemple, Amazon risque des sanctions pouvant atteindre 93 milliards d’euros. En comparaison, la France contribue à hauteur de 23 milliards d’euros au budget de l’Union Européenne. Ces sanctions financières sont assorties de sanctions aux conséquences drastiques, comme les interdictions temporaires de rachat d’entreprises européennes ou d’atteindre les internautes européens.  

D’autres éléments viennent tout droit du RGPD comme la création d’un nouveau type de « DPO », le responsable de la conformité au DSA pour les TGPL, la formation d’un coordinateur dans chaque Etat membre (qui sera, selon toute vraisemblance, la CNIL ou l’ARCOM en France) et un comité regroupant chaque coordinateur dans un nouveau type de G29. 

Avec ces deux règlements, la Commission semble vouloir s’inspirer du RGPD pour modifier les règles du jeu de la concurrence et de la gestion du contenu sur internet en Europe. Les grands groupes devront, à la manière du RGPD, se mettre en ordre de bataille pour s’adapter à ces normes. Comme à l’époque du RGPD, les avocats sauront notamment répondre aux interrogations et accompagner ces derniers.  

Par Ludovic de la Monneraye, Avocat Directeur du département Droit de la propriété intellectuelle -Droit du numérique

Revue de presse 

Village de la justice 
 

Historique

  • ACTUALITES ESTIVALES IP / IT 2022
    Publié le : 17/08/2022 17 août août 08 2022
    Revue de Presse
    Domaine d'expertise / Propriété intellectuelle & Numérique (IP / IT)
    Décryptage actualités
    DATA GOVERNANCE ACT (DGA) : QUELLES NOUVEAUTÉS À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE POUR CONCURRENCER LES GAFAM ? Adopté en mai 2022 par la Commission européenne, le Data Governance Act (DGA), le Règlement sur la gouvernance européenne des données, s’inscrit dans le cadre de la « stratégie européenne pour l...
  • Avec les DMA et DSA, l'Europe veut mettre fin à l'hégémonie des GAFAM - interview de Ludovic de la Monneraye par Bpifrance
    Publié le : 29/06/2022 29 juin juin 06 2022
    Revue de Presse
    Domaine d'expertise / Propriété intellectuelle & Numérique (IP / IT)
    interview réalisé par Tess Della Torre, Rédactrice web du magazine Big média de BPI FRANCE  L’entrée en vigueur des DMA et DSA, politiques européennes visant à encadrer les pratiques des géants du web, va-t-elle remettre en question la place des GAFAM au profit des entreprises européennes ? Ex...
  • " RSE : les multinationales cherchent la bonne formule " Publication dans JEUNE AFRIQUE
    Publié le : 24/06/2022 24 juin juin 06 2022
    Domaine d'expertise / International
    Revue de Presse
    Alors que les compagnies internationales soulignent l’efficacité et la popularité du partage de capital avec les populations locales, les initiatives dans le domaine demeurent encore limitées. Le magazine JEUNE AFRIQUE a consacré un article sur le thème : " RSE : les multinationales cherchent la...
  • PSE et RPS : de la nécessité de placer l'humain au cœur des réorganisations - Publication LAMY REVUE - Les Cahiers du DRH - Juin 2022
    Publié le : 02/06/2022 02 juin juin 06 2022
    Domaine d'expertise / Droit social
    Revue de Presse
    Décryptage actualités
    Le mensuel " Les Cahiers du DRH "  (LAMY REVUE) publie en Une de l'édition N°298 JUIN 2022 un article co-écrit par Paul van Deth, Associé et Anastasia Six, Avocate, département Droit Social, Contentieux droit du travail, Ressources Humaines. " PSE et RPS : de la nécessité de placer l'humain au c...
  • Les administrateurs salariés face au projet de loi sur le dividende salarial
    Publié le : 01/06/2022 01 juin juin 06 2022
    Domaine d'expertise / Droit social
    Revue de Presse
    Décryptage sur l’enjeu de la gouvernance salariale des entreprises, par Bruno Courtine, associé fondateur de Vaughan Avocats. A l’heure où le nouveau gouvernement peaufine sa réforme de la participation en y distillant l’idée d’un dividende salarial, peut-on concevoir le partage de la valeur d...
  • DSA / DMA, un vent de changement pour les géants du Web !
    Publié le : 23/05/2022 23 mai mai 05 2022
    Revue de Presse
    Domaine d'expertise / Propriété intellectuelle & Numérique (IP / IT)
    Décryptage actualités
    Le 15 décembre 2020, la Commission Européenne a dévoilé, dans le cadre de sa mission « Façonner l’avenir numérique de l’Europe », deux projets de règlement : le Digital Market Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA) visant à rebattre les cartes pour les plus grandes plateformes en ligne.  L...
<< < 1 2 3 4 5 6 7 ... > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK